La nouvelle monnaie de réserve des BRICS peut-elle concurrencer le dollar américain ?

En juin 2022, les pays du BRICS ont annoncé leur intention d'introduire une nouvelle monnaie de réserve comme alternative au dollar américain. Verrons-nous cette nouvelle monnaie sur le marché des changes pour concurrencer le dollar américain ainsi que l'euro ?

À la mi-juin, lors de l'une des dernières réunions des pays BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud), le président russe Poutine a annoncé que la Russie, la Chine et les autres pays de la communauté avaient l'intention d'introduire une nouvelle monnaie de réserve mondiale qui devrait fonctionner sur le principe d'un panier de monnaies des pays mentionnés (quelque chose comme le STR (Special Drawing Rights), ou le DTS en français, du Fonds Monétaire International). Elle devrait également être un concurrent direct du dollar américain.

Le dollar américain est depuis longtemps la monnaie la plus tradée sur le marché des devises et est utilisé comme monnaie de réserve. Il est également utilisé dans la plupart des transactions internationales et est tradé dans la plupart des matières premières. En outre, il est considéré par les traders comme une valeur refuge que les investisseurs achètent en période d'incertitude. Le dollar américain est depuis longtemps une épine dans le pied de certains pays, la Russie et la Chine en tête, qui tentent de trouver une solution pour réduire leur dépendance à l'égard de la monnaie américaine.

Étant donné que l'invasion russe de l'Ukraine et les sanctions imposées par l'Occident empêchent la Russie d'effectuer ses paiements en dollars américains, la question d'une monnaie dans laquelle le rouble russe jouerait un rôle important est certainement logique. Le redressement relativement rapide du rouble russe après les sanctions qui lui ont été imposées donne du courage à la Russie, mais il ne garantira certainement pas le succès du nouveau projet. Les pays du BRICS représentent peut-être aujourd'hui près d'un tiers du PIB mondial, mais les différences entre les pays sont démesurées et le resteront probablement pendant un certain temps.

Le BRIC, un acronyme, rien de plus

Le groupe des BRICS est une entité créée artificiellement, composée de pays aux économies développées différentes (bien que l'Union européenne le soit aussi), avec un potentiel de développement futur différent. Il n'a été créé virtuellement que parce que l'économiste Jim O'Neill a inventé en 2001 un acronyme pour les quatre principales économies émergentes (qui, selon lui, avaient le potentiel pour devenir les économies les plus dominantes du monde d'ici 2050) qui sonnait bizarrement (BRIC se prononce comme une "brique") et s'est imposé dans les médias et parmi les économistes.
Les différents pays entretenaient certes une certaine forme de coopération à différents niveaux avant la création de l'acronyme, mais pas de la manière dont elle a commencé après 2009, date de la première réunion des dirigeants des BRIC. Après l'adhésion de l'Afrique du Sud et la formation des BRICS, l'organisation est devenue davantage un groupement politique, car elle n'avait pas beaucoup de sens sur le plan économique, selon M. O'Neill.

BRIC vs. dollar US

Les partisans de la nouvelle monnaie la présentent comme une menace sérieuse pour le dollar américain, arguant notamment du fait que (avec l'Iran et l'Argentine, qui veulent rejoindre le groupement des BRICS) ces pays représentent ensemble plus d'un quart de la production mondiale de pétrole, la moitié de la production de minerai de fer, 40 % de la production de maïs et 46 % de la production de blé. Cela pourrait donner à la nouvelle monnaie de réserve un bon départ dans l'économie mondiale.

Un autre argument est que la part du dollar américain dans les réserves de change mondiales a récemment diminué. C'est vrai (de plus de 70 % en 1999, la part du dollar américain est tombée à 59 % à la fin de 2021), mais la majeure partie de ce changement n'est pas un transfert de fonds vers les monnaies de certains des pays BRICS (environ 25 % est un transfert vers le renminbi (Yuan, devise chinoise)), mais vers les monnaies d'économies plus petites comme le dollar australien, le dollar canadien ou la couronne suédoise.

Les problèmes les plus courants des pays mentionnés sont les problèmes socio-économiques, le sous-développement des infrastructures, une part importante du secteur parallèle, des niveaux élevés de corruption dans les institutions publiques, des sanctions, une stratification sociale importante, etc. Tout cela détériore l'environnement économique et commercial des pays en question.

Aujourd'hui, la Russie fait la guerre en Ukraine, ce qui coûte énormément d'argent au pays, et la plupart des pays occidentaux ne veulent pratiquement pas commercer avec elle et ne la considèrent pas comme un partenaire sérieux. La Russie ne se débarrassera pas de cette étiquette de sitôt, et les autres pays du groupement conservent une attitude réservée à cet égard plutôt que de prendre son parti sans équivoque.

Les petits pays émergents pourraient réclamer une monnaie concurrente pour mettre fin à la domination du dollar américain, mais cela pourrait ne pas suffire au succès de la nouvelle monnaie. Les rendements obligataires des pays du BRICS peuvent sembler attrayants, mais cela est dû au risque de crédit élevé de ces pays, et non à leur qualité. Comme le groupement des BRICS lui-même, cette monnaie est donc davantage un projet politique qui ne verra probablement jamais le jour.